UNE ECOLE PAS COMME LES AUTRES.......page 3

 

L'école est unité opérationnelle, et participe aux opérations du secteur, principalement en forêt Affaïne, zone interdite qui nous sépare de Blida.Nous apprendrons, de la sorte, les mécanismes des opérations de bouclage-ratissage, en y côtoyant les régiments voisins, dont un, plus particulièrement infréquentable…. et dangereux. Une indiscipline totale régnait à chaque fois sur sa base de départ : les gars jouaient au foot avec les boites de ration, hurlant, braillant, se tordant de rire, limite " pintés ". Au bout d'une heure de marche, il y avait un " trou " de 800 mètres entre notre ligne et la leur, ce qui diminuait évidemment l'efficacité du bouclage. Inutile d'ajouter que cette unité subissait de gros coups durs, ses pertes apparaissaient régulièrement dans les communiqués, à raison de 15 à 20 morts à chaque fois, tous les 3 ou 4 mois. De cette période date " la bande sonore " des fréquents accrochages, que j'ai encore dans les oreilles : D'abord, deux ou trois détonations sourdes : du fusil de chasse ou quelque vieille pétoire. Presqu'aussitôt, c'est le caquetage nerveux des pistolets-mitrailleurs qui leur répond. De nouveau des détonations sourdes, les fells, de nouveau, ou des grenades. La voix puissante et grave d'un fusil-mitrailleur s'impose dans le vacarme, par rafales de deux ou trois coups. De nouveau les PM, quelques détonations, puis c'est le silence.

Notre chef de section, un lieutenant de Chasseurs plein de fougue, a tout de suite sauté sur le poste radio et trouvé le canal de l'accrochage, ce qui nous fait suivre l'événement en direct.Les instructions de l'Autorité fusent, pressantes : " rendez-compte, rendez-compte…..Et nous imaginons la scène, le chef de section ou son sergent, avec ses gars autour de lui, aplatis comme des limandes sous le feu, essayant de comprendre le problème et d'y parer au plus vite, avec le harcèlement radio qui lui met les nerfs à vif. Pour arranger les choses, les postes SCR 300 ou le SCR 536 se mettent à crachouiller capricieusement, ça ne facilite pas les communications !!C'est fini, les fells sont partis, ça recommencera un peu plus tard, un peu plus loin !!Il y avait aussi la garde des fermes des alentours, RIPOLL, TRIPIER, BRINCOURT, FAISANT.Les propriétaires et les familles n'étaient plus dans les lieux, mais les travaux agricoles continuaient. C'est dans ces fermes que nous avons goûté les nèfles, et fait sans succès, quelques essais de chasse aux perdreaux, en mettant une seule cartouche dans la MAT. Soumis à rude épreuve, nos organismes flanchaient, parfois, et celui qui s'endormait pendant son tour de garde était éliminé du peloton. Somnolant à moitié dans mon mirador, j'ai sursauté un soir, en entendant du bruit, et aussitôt armé et pointé mon fusil. A la lueur du projecteur, j'ai réalisé ensuite que c'était un gosse qui farfouillait dans les barbelés ….pour récupérer sa balle !!!! Combat de nuit…..le jour !! L'axiome était le suivant : La plupart de vos actions de combat auront lieu de nuit. Il faut vous y entraîner. Mais il n'y a pas assez de nuits pour cela, du fait des contraintes, vous ferez donc du combat de nuit……le jour. Chaque fois que je dis cela, je suscite des réactions incrédules. Eh bien, si, cela s'est fait, une idée apparemment géniale, apparemment seulement !! On nous a dotés de lunettes de soudeur, deux verres fumés au lieu d'un. C'était assez épouvantable, et illusoire, en plus, car, si la nuit on distingue mieux les contours éloignés, la lunette de soudeur, elle, est faite pour voir de très près, inversion des perceptions, donc. Au cours des exercices de combat, certains marchaient comme des crabes, regardant de côté après avoir soulevé les languettes latérales d'aluminium. D'autres guettaient l'inattention de l'instructeur pour se déplacer à toute vitesse, lunettes levées sur le front. Le parcours du combattant s'effectuait aussi avec ces satanées lunettes, et je me souviens d'un E.O.R. de la promotion suivante, un prof de philo : il était si " populaire ", qu'un de ses camarades avait glissé une feuille de papier noir entre les deux verres. Au départ du parcours du combattant, le malheureux s'est plaint qu'il n'y voyait rien. " Sautez ", a dit l'instructeur : résultat, une jambe cassée au fond de la fosse aux ours !!!! Il repassera avec la promotion suivante ! Au dégagement de fin de stage, nous jouerons une saynète, avec un E.O.R., doté de ces fameuses lunettes, carrément aveugle, demandant craintivement son chemin à un fellouze armé. 

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