UNE ECOLE PAS COMME LES AUTRES.......PAGE 6
L'école.(deuxième partie)
La chambrée
La section entière était logée dans une pièce haute de
plafond, avec 4 piliers en bois. Teintes ocres avec soubassement
brun, tout cela assez vétuste. Il fallait tout de suite se
choisir un lit, sur les douze à deux étages, en haut, en bas,
près de la fenêtre, il fallait être rapide pour réaliser son
objectif. J'étais " en haut, à gauche, en entrant ",
une bonne adresse ! L'ambiance était bonne malgré le fait que
nous étions tous rivaux et concurrents.Parce que, du rang de
chacun à la sortie de la promo, dépendait le choix des
meilleures affectations proposées à " l'amphi-corps
", les " culots de promo " devant se contenter des
places restantes, à priori vraiment pas recherchées, mais
vraiment pas !! Mais, jeunes comme nous étions, 20/21 ans pour
les incorporés, 23/24 ans pour les sursitaires, la camaraderie
régnait, et je n'ai jamais constaté de " coups de pied en
vache ".Je me souviens de tous, je crois. Surtout de Jean,
repéré à Ste Marthe où il se baladait avec un tourne-disque
TEPPAZ attaché par une chaîne sur le dessus de son sac à dos.
Je connais par cur tous les disques de Brassens qu'il nous
passait, et je chante encore : " au pied de mon arbre, je
vivais heureux
" sans une faute. A côté de moi,
c'était " Marcel " un para, ancien enfant de troupe,
dont tous les frères étaient d'active : le dimanche, après
être " allé voir les dames ", les pattes à la
retourne, il s'inspectait avec un miroir pour voir " s'il
n'y avait pas de petites bêtes " en souvenir. Les trois
" pieds noirs " étaient sympas, l'avocat stagiaire
moins : assez grande gueule, sa grande taille maladroite le
desservait sur le parcours du combattant. A part la planchette
irlandaise, qu'il faut accrocher du bout des doigts à deux
mètres du sol pour se rétablir, et le mur, les " petits
" sont les champions, se jouant des obstacles où il faut se
faufiler, le tuyau, les chicanes, les barbelés etc En diagonale,
en haut, c'était Jean, qui a payé
très cher ses idées, il est allé jusqu'au bout. Il
n'y a jamais eu d'accrochages violents entre nous, ce qui ne
retirait rien à nos convictions. Il fut, bien sûr, question de
la torture, comme d'un fait; l'attitude générale c'était de
vouloir se comporter correctement, en respectant l'adversaire.
L'un de nous, séminariste de je ne sais plus quel ordre
religieux, avait reçu de son Père Supérieur, l'ordre de se
tenir à l'écart de tout çà. D'un niveau égal au nôtre, il
" loupait " systématiquement toutes les épreuves à
fort coefficient, ce dont tout le monde s'était aperçu. Mais il
n'a pas dévié de sa conduite. Pour ma part, j'avais lu "
La Question " d'Henri ALLEG, et je lisais les éditoriaux de
François MAURIAC ou de Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER. J'étais
d'accord pour l'honneur du soldat, dans le cadre de " la
voie étroite " censée cheminer entre l'humanisme d'un
côté, le danger fasciste et le communiste de l'autre. J'étais
d'accord pour que le rebelle ne soit pas " comme un poisson
dans l'eau ", et que notre bon vouloir conquière le
cur des populations.On verrait bien !! Quelles étaient nos
motivations ? Très diverses, entre le souci d'accomplir un
service militaire plus confortable, et
payé, avec une
petite (toute petite) parcelle de décision, jusqu'à celui de
participer à la mission civilisatrice de notre pays, ou celui de
faire son " régiment " près de chez soi. En passant,
je me rappelle la mémorable colère de mon père lorsque j'avais
fait mon dossier pour les E.O.R. : " Comment, a-t-il hurlé,
pour payer mes impôts on ne m'a jamais fait d'histoires, mais
pour envoyer mon fils à la guerre, il faut mon certificat de
réintégration !!!!"* Pour l'instant, j'y étais, et il
fallait travailler durement, remplir tous les postes de nos
futurs " administrés " : sergent, caporal de semaine,
tour de garde etc. Les moments de
vraie détente étaient rares, il fallait "
piocher " les manuels à fond. Je n'aimais pas la garde,
qu'il fallait assurer pendant 24 h 00 quand c'était le tour de
la section. Les sentinelles se relayaient toutes les deux heures,
et j'ai plusieurs fois été désigné à la protection du
transformateur de l'Ecole. Ce cube de 3 mètres de côté était
éclairé par un lampadaire puissant, qui laissait évidemment un
demi périmètre dans l'ombre. Le métier de toute honnête
sentinelle, c'est de se faire égorger par un commando tapi dans
les buissons, le couteau entre les dents. On voit ça dans tous
les films, c'est pareil à tous les coups ! Inutile de dire que,
pas spécialement peureux de nature, j'abordais les coins sombres
l'arme haute, et la culasse à l'arrière, le doigt sur la
détente ! Je ne devais pas être le seul à le faire, et on nous
a cité nombre de cas de cadres zélés qui voulaient
imprudemment tester la vigilance des plantons, en s'approchant en
rampant et qui s'étaient fait descendre
avec, ou
sans
. sommations !