UNE ECOLE PAS COMME LES AUTRES.......PAGE 8
En nomadisation, le commandant de compagnie va entrer,
pour l'inspecter, dans un de ces marabouts à toile épaisse de
l'armée américaine, où loge une section. Plusieurs
détonations claquent, la toile au dessus de l'entrée est
percée de 6 trous qui font comme une auréole à notre
capitaine, qui ne bronche pratiquement pas, juste un peu surpris.
Il entre sous la guitoune, toujours la pipe au bec, et il a
l'explication : un E.O.R. a commencé à nettoyer le
fusil-mitrailleur en laissant le chargeur dessus. 15 " pains
" ! Il s'en est fallu d'un rien ! A l'armurerie, une autre
fois. Un capitaine rend son arme, et, après avoir enlevé le
chargeur, donne le coup de sécurité, le canon dirigé vers le
plafond. PAN ! la balle va se loger dans les solives ! Il n'y a
pas de sécurité de chargeur sur le Colt 45.
Les " pieds noirs "
Nous n'avons pratiquement jamais eu de contact avec les
Cherchellois, hormis nos promenades
en ville, les rares dîners au restaurant, ou les
pots dans des bars. Le " prêt " était de 35 francs
par mois, pas de quoi mener la vie des grands ducs !!. Nos 3
" coturnes " voulaient défendre l'Algérie, mais
n'étaient pas des fanatiques. Par contre, je me souviens bien de
" la veuve ", une superbe quadragénaire aux formes
voluptueuses, patronne d'un estaminet dans la grand-rue de
CHERCHELL. Campée sur le trottoir, le poing sur la hanche, elle
nous regardait fièrement défiler. Beaucoup plus tard, j'ai su
qu'un soir, elle aurait exagéré sur les prix avec des
légionnaires qui rentraient d'opération et qui s'étaient mis
en colère.Son bar aurait été mis à sac et entièrement
ravagé. Evidemment, nous avons fait
connaissance avec " le couscous ". Il nous
était servi presque toutes les semaines, et, il dégageait un
arôme épouvantable. Les connaisseurs prétendaient que c'était
à cause de la viande, du mouton non castré. Effectivement ça
se rapprochait du suint. D'autres disaient que c'était du
chameau !Le reste du temps, ce devait être copieux et
bon
.puisque je ne m'en souviens pas !
Le treize mai
La semaine auparavant, mon copain Jean et moi avions eu une
perme pour aller à ALGER. Nous avions déplacé les chevaux de
frise en haut de la Casbah, et nous descendions tranquillement
les ruelles étroites et sombres, les mains dans les poches, une
caricature de " bidasses en goguette ". A un moment
arrive en courant une patrouille de zouaves surexcités; je vois
encore le chef avec la crosse du colt dégagée de l'étui :
" Mais vous êtes fous, qu'est-ce que vous foutez là ? Vous
voulez vous faire égorger ? " Ils nous entraînent vite
fait avec eux, et nous voilà en train de descendre les ruelles,
au pas de gymnastique, en vitesse accélérée, jusqu'aux
barbelés du bas. Le treize mai, nous avons cru au rapprochement
des deux communautés. Un mois après, nous avons bien vu que
c'était uniquement sentimental, l'espace d'un instant !Cela ne
semblait pas bien parti du tout.
Epilogue
A la mi-juin, nous sortions de l'Ecole, nommés
sous-lieutenants, aspirants ou sergents pour les derniers ou les
mal vus, à la " côte d'amour " déficiente. Je
voulais les SAS, mais il n'y avait que 5 postes proposés,
inaccessibles pour moi, même si j'étais bien classé. Alors
j'ai demandé le Centre d'Instruction n° 7 des Troupes de Marine
à Constance, où j'ai été instructeur du peloton d'élèves
caporaux. Par la suite, j'ai chèrement " payé " ces 8
mois tranquilles, dans l'Ouarsenis et sur la frontière
marocaine, secteur d'Aïn Sefra. Jean a choisi " les
éducateurs de la jeunesse algérienne " sorte de
préparation à des CAP. A son arrivée au Corps on lui a dit
qu'il fallait d'abord aller en unité combattante, et là, les
choses se sont gâtées. Je n'ai pas revu beaucoup d'anciens E.O.R. de cette époque.
Mais CHERCHELL, " l'Ecole ", reste pour moi un modèle
d'efficacité et de réalisme.
Jacques LANGARD Groupement 140 de la Fédération Natinale
André Maginot
Ancien chef de section et commandant de compagnie au II/8ème
RIMa
*Certificat de réintégration : pièce d'état-civil qu'il
fallait demander au tribunal du lieu pour faire établir que le
demandeur était de nationalité française.Cela concernait tous
ceux nés entre 1870 et 1918, comme mon père, né en 1902 à
Bionville sur Nied, ou comme ma mère, née en 1914 à
Saverne.*Merci à l'Association des Anciens Zouaves qui m'a
communiqué la biographie du Colonel MAREY, ainsi qu'à Jean
MOUROT, camarade de promo 803 (Sous les Drapeaux de deux
Républiques) qui m'a signalé mon erreur à ce sujet. Le colonel
MAREY a été tué dans une embuscade le 28 mars 1959 à El MILIA
* " Petit Château " : la prison
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