Complément d'enquête sur les noms composés,
une spécialité haut-jurassienne je crois. je cite ci-dessous un
texte trouvé en lisant un bouquin sur Les Rousses.
"Dans le Haut Jura comme dans d'autres régions de
montagne, les prénoms peu variés, les mariages consanguins
fréquents, conduisent à l'attribution de surnoms qui restent
attachés plus ou moins solidement au nom et qui permettaient de
différencier les différentes familles. Ainsi les différents
nom de Paget : Paiget , Paget-Pernay, Paget-Monnier ,Paget au
Grand Jacques , Paget Dit Blanc (est ce Pain Blanc ), Paget
Mareschal , Paget Goy, Chavin à Paget, Paget à bonne Ville,
Paget Pirollet . A ce jour il resterait seulement 3 noms: Paget,
Paget Blanc et Paget Goy .La branche Paget Blanc n'apparait
qu'après 1666. Au Moyen âge les gens sont d'abord reconnus par
leurs prénoms, les noms seront fixés au XVème siècle :
beaucoup ne savaient pas écrire et le nom était transmis
oralement d'ou des modifications selon les régions . Car un
individu noté Paget dans un acte peut aussi bien dans un autre,
être appelé Chavin Paget. Cette tendance à la perte d'une
partie du nom se retrouve jusqu'à la période moderne dans les
signatures elles-mêmes ; elle est donc aussi le fait des
intéressés eux mêmes dont beaucoup ne savaient pas écrire,
des clercs ou religieux qui établissaient les actes. La
première difficulté rencontrée concerne les prénoms. Il
était très fréquent à l'époque ,de donner le même prénom
à différents enfants d'une même famille et celui qui revient
le plus souvent est Claude et Clauda: ainsi on trouve Claude fils
de Claude Paget qui lui même avait son père ou son grand-père
prénommé Claude et comme il y a aussi plusieurs familles Paget
, la confusion est source d'erreurs. La deuxième difficulté est
la tenue des registres des naissances, mariages et décès ; on y
trouve les prénoms des parents , celui de l'enfants et les
parrains ,marraines et témoins mais certains actes sont
sommaires et des périodes manquent. L'orthographe est souvent
variable d'un acte à l' autre."
Encore un autre texte: les amis de St Claude
ont cogité aussi pour nous.
Patronymes
multiples et surnoms dans le Haut-Jura
Cest
le cas le plus courant et, semble-t-il, quasiment la règle,
surtout pour les hommes, tant les exemples sont nombreux. Et pas
toujours à lavantage du porteur : si « Barcarol »
na rien de désagréable, que dire de « Quasimodo » ?
Remarquable aussi la présence courante sur les avis de décès
du surnom du mort : sinon, ses relations nauraient pas su
de qui il sagissait, ne connaissant souvent pas son
identité officielle. Ces pratiques nont pas de lien
évident avec une éventuelle homonymie ;il sagit plutôt
dun rite dappartenance, une manière de marquer
lintégration à la communauté tant pour celui qui porte
le surnom, même à son corps défendant,que pour ceux qui
lutilisent. Cest aussi, comme nous le faisait
remarquer un informateur,une occasion de samuser dans des
milieux où la vie nest pas toujours facile. On peut même
aller jusquà qualifier cette pratique dart populaire
: un surnom « bien trouvé » nest-il pas une forme de
chef duvre, au même titre que le « mot
desprit » emblématique de la culture française classique
Précédés ou non de larticle « le » ou « la », les
surnoms de ce type (très souvent savoureux !) dont le sens est
connu relèvent de quelques grandes catégories - le surnom fait
référence à un métier ou une activité, là non plus pas
toujours de manière évidente : « le trompette » (trompette
dans larmée), « le chasseur» (avait fait son service
dans les chasseurs), « la fuite » (ancien plombier), « le
moyeu » (avait un frère charron), « la galine » (garde et
braconnier), « le savaton »(cordonnier), « le chapuset »
(taillait les crayons), « le lugubre » (travaillait aux pompes
funèbres), « la mère tire-monde » ou « guette-au-trou »
(sage-femme) ; le surnom est un diminutif ou fait référence à
létat civil : « la Nonie » (Léonie), « la Ninette »
(Virginie), « le Gut » (Auguste), « le Noré » (Honoré), -
le surnom fait référence à lhabitat ou à lorigine
: « la Mouille » (né à La Mouille), « le riauti » (de la
Riôte)
Le
surnom est ajouté au prénom avec la préposition à ou de :
- en
référence au prénom dun parent ou dun aïeul : «
le Jules à la Victoire » (Victoire était sa mère), « le Paul
au Médé » (son père était « Jules au Médé », Amédée
était peut-être son grand-père mais ce nest pas certain)
; - en référence à une profession : « Félix au maréchal »
(son père était maréchal ferrant comme lui) ; - en référence
à une particularité ou une anecdote : « le José aux enfants
»(sest retrouvé veuf avec 7 enfants), « Jacques au fusil
» (des chèvres venant brouter ses choux, il aurait dit à son
garçon « Va chercher mon fusil ») - en référence à un
domicile : « lAntoinette du Boulu » (nom de sa
ferme).Marc Forestier, dans La trace au Louis, a
particulièrement bien étudié ce système dappellations,
quil rapproche non sans justesse de lattribution des
titres de noblesse. Avec ce second type de surnom, qui se
substitue en quelque sorte au patronyme pour les familiers, et
permet éventuellement de distinguer des personnes portant le
même prénom, nous sommes dans une situation proche de celle qui
prévaut pour les patronymes multiples
Un
corpus complexe : les patronymes composés ou multiples
Tout
dabord un point de vocabulaire : pour la plupart des
auteurs qui se sont penchés sur la question, lappellation
« nom composé » renvoie à des noms agglomérés du type « 2
noms de baptême accolés » (ex. : Jeanrenaud) ou « épithète
+ nom » (ex. Grosjean). Une étude récente, consacrée à la
Lorraine romane, a forgé lappellation « nom composite »
pour mettre en évidence la formation en deux étapes de ces noms
fréquents dans lEst de la France. Ce type nest que
peu représenté dans le
Haut-Jura
On
explique généralement ces compositions « en cascade » par la
nécessité de différencier les « branches » issues dun
même patronyme « souche » lorsquelles se sont
développées sur place, dans le cadre du village ou de la
paroisse. Ce serait le cas dans les secteurs les plus montagneux,
colonisés tardivement et où limmigration a été faible
ou inexistante. Les effets de cette homonymie patronymique
auraient été renforcés par une grande uniformité des prénoms
ou noms de baptême dans le sillage de la Réforme catholique du
XVIe siècle. Ces hypothèses, qui reposent sur des observations
de bon sens mais peu détudes chiffrées, hormis celles de
F. Lassus pour lensemble de la Franche-Comté,
demanderaient à être vérifiées communauté par communauté et
en comparant la situation du Haut-Jura à celle dautres
régions. Il faudrait également cartographier notre état des
lieux et le comparer à dautres cartes thématiques dont
nous ne disposons pas forcément, comme celle du relief, du type
dhabitat, de la structure sociale et familiale , de la
consanguinité, de lemprise de la mainmorte, etc
pour
en tirer des enseignements vérifiés
Le
patronyme multiple est composé d e 2 ou 3 patronymes
juxtaposés.
Dans notre
base, ce type est en principe repéré lorsque les termes de rang
2 ou 3 figurent aussi dans la liste des noms de rang : cest
le cas pour un grand nombre de notices. On a ici affaire à la
combinaison de deux noms de famille, qui existent par ailleurs
sous leur forme simple, ou combinés à dautres noms :
ainsi Dumont Girard mais aussi Girard Lamy (Longchaumois,
1659-1733 et 771).Pour une même composition, lordre des
termes peut être interchangeable, rendant assez inopérante la
notion de « patronyme souche » : cette pratique est déjà
repérable dans les sources écrites aux XVe-XVIe siècles, avant
donc la généralisation de létat civil qui intervient
selon les paroisses entre la fin du XVIe et le milieu du XVIIe
siècle. On trouve ainsi dans le terrier de labbaye dressé
entre 1504 et 1520 les dénominations suivantes pour la
communauté de Saint-Sauveur Quant à lorigine de ce ou ces
noms supplémentaires, elle est le plus souvent incertaine, en
grande partie parce que lépoque de leur formation est
antérieure aux sources écrites précises dont nous disposons.
On a supposé que les noms doubles étaient formés en ajoutant
le nom de lépouse mais rien ne permet de laffirmer ;
Les seuls cas avérés de patronymes sont du type Girod gendre
Chauvin (La Mouille) : ceci fait référence à la pratique
considérée comme peu enviable « daller faire gendre »
dans sa belle-famille. Une thèse consacrée au domaine savoyard
au XVIe siècle est sensiblement arrivée à la même conclusion
:
«
le patronyme composé était une façon de combattre les
risques de confusion liés à lhomonymie. Or, il semble que
la deuxième partie du nom provenait non dun sobriquet
comme dans dautres régions mais du nom dune autre
famille. Comme il ne sagit jamais du nom de lépouse,
on peut supposer quil sagissait de celui de la mère
du chef de feu. On peut aller plus loin en remarquant que ce
deuxième nom nest presque jamais celui dune autre
famille cité en 1561(une exception). On peut alors faire
lhypothèse quil sagissait dune ancienne
famille éteinte faute dhéritier mâle. Mariée,
lhéritière aurait transmis à ses enfants son patrimoine
paternel et son nom que ceux-ci auraient ajouté à celui de leur
père, marquant ainsi la continuité de la maison